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![]() Presse |
VTPC Vente de Territoire par Correspondance |
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Lhistoire commence par une rencontre, celle dun SDF (Gilles Virget) le 6 janvier 1997. Olivier Goulet lui propose de scanner lintégralité de la surface de son corps et de mettre en vente sur lInternet les parcelles de peau numérisées. " Sans domicile fixe ", le sujet de lexpérience est un nomade dont le territoire est donc indéterminé et se réduit finalement à son seul corps. Tel un satellite enregistrant la surface terrestre, Olivier Goulet numérise un corps quil transforme en organisme territorial : " l'image de peau ( ) est découpée en parcelles de 10 cm2 environ qui s'imbriquent les unes dans les autres comme les pièces d'un puzzle ou plutôt comme des pays sur une carte géographique ". La tête, la poitrine, labdomen, les membres, sont autant de zones géographiques, dont la topographie est décrite de manière poétique. Le centre du visage est par exemple le " lieu stratégique doù lon exerce une surveillance étroite sur la quasi-totalité du territoire. La présence dun orifice buccal en fait un centre de contrôle et de décision irremplaçable. Son exposition remarquable et la diversité de ses paysages séduiront les investisseurs ". On apprend ailleurs que la poitrine est une " zone bénéficiant de linfluence conjuguée du cur et des poumons. Cest sous un climat salutaire que se sont développées les créations humaines les plus intéressantes qui rayonnent sur la totalité du territoire ". On note encore que le sexe est une " région étonnante de lexcroissance terminale. Le sous-sol y est spongieux et mou la plupart du temps. On y observe parfois une modification soudaine qui permet un échange fondamental et structurel avec un autre organisme territorial " Les parcelles sont répertoriées selon une nomenclature de type base de données (il y en aurait entre 1000 et 1500) ; chacune dentre elles est soumise à une analyse scientifique, méticuleuse, où sont répertoriés le nombre de pores, de poils, de plis et rides principales et secondaires, de veines apparentes, mais aussi la pigmentation et tous signes particuliers. |
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Page
daccueil
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Localisation
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Lot de parcelles |
La
peau révèle notre territoire identitaire. Elle est la membrane
superficielle de notre intériorité, le paysage de notre
identité : " Ce projet devrait s'appeler : "
Vente de peau par correspondance ", mais le terme " territoire
" précise la première des préoccupations du
projet. La peau délimite physiquement notre corps, et c'est finalement
l'ultime frontière qui nous permet d'exister en tant qu'individu
distinct du reste du monde. Cette enveloppe est une des composantes principales
de notre identité ". La notion de propriété est posée. Dans quelle mesure peut-on sapproprier le corps dun autre ? Est-ce possible et en a-t-on le droit ? Les schémas dexploitation relationnelle perceptibles à tous les niveaux dans notre société ne sont-il pas pointés ici ? Le proxénétisme et la prostitution nen sont que des exemples caricaturaux. Lartiste nous dit que " ce projet n'a pas vocation de revendication politique ou sociale explicite, ni de dénonciation quelle qu'elle soit. C'est une oeuvre d'art dont l'enjeu est une réflexion sur l'identité et l'intégrité de notre corps ". Faut-il le croire ? Quelle est donc la position de lacheteur ? Il sait bien quil ne sapproprie que virtuellement un terrain, dont il naura pas la jouissance En passant commande, pense-t-il faire acte politique, dénoncer un corps instrumentalisé dans notre société ? Ou, nest-ce pour lui quun jeu, un moyen dentrer son nom sur le réseau ? Ou pense-t-il faire lacquisition dune uvre dart contemporain à moindre frais (30 euros la parcelle de 10 cm2) ? Bien quinsensée et bâtie sur le principe de labsurde, cette vente de territoires de peau se concrétise de manière classique par un acte contractuel établi entre lartiste et lacheteur, calqué sur un contrat notarial de vente. Non sans dérision, Olivier Goulet singe les ressorts de la vente par correspondance, " [il] ( ) met en vente des parcelles de corps vivants sur le réseau télématique mondial comme dautres y commercialisent des prestations tertiaires, de la quincaillerie ou des images de sexe ". Il met ainsi le doigt sur la société de consommation qui transforme tout en objet commercialisable : "On pourra y lire une pointe ironique à l'égard des sociétés de V.P.C. qui s'évertuent à rendre indispensable tout ce qu'elles vendent. Il convient d'en détourner le mécanisme pour vendre une chose invendable - notre peau - qui nous a été donnée avec la vie et qui reste tenacement liée à elle ". Pourrait-on lire dans ce travail une critique des principes capitalistes de notre société, régie par la toute puissance de largent, qui nous donne accès à tout jusquà linachetable ? Finalement,
on se souviendra du voyage sur le corps dun individu lambda. Linternaute,
lindividu contemporain, en circulant sur un corps étranger
nest-t-il pas invité à explorer son propre corps autrement ? |
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Lot
et descriptif dune parcelle
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Descriptif
dune parcelle |
Portrait
de Gilles Virget, 1998
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Olivier Goulet, 1997 Le terme "territoire" est ambigu. Il représente d'abord un espace géographique délimité. Par extension, on peut appeler territoire l'espace d'existence d'un objet ou d'un individu. C'est dans ce passage du territoire géographique (qui inclut les principes de la représentation abstraite dun espace) à ce qui tend vers la définition d'un objet ou d'un individu que se joue l'élaboration des formes que je manipule.L'existence d'un territoire est relative au déplacement et à la perception d'un individu. C'est l'occupation d'un espace qui en fait un territoire. Dans le cas de l'animal, ce sont ses déplacements répétés et instinctifs, fixant les bornes de son espace vital, qui déterminent son territoire. Dans le cas de l'être humain, l'idée de territoire est plus complexe en raison de ses facultés de pensée et de langage. Le territoire ne se constitue plus seulement géographiquement ou physiquement de manière naturelle, mais aussi sous forme de "zones d'influences" qu'il s'agit de (ré)activer selon un rythme donné pour constituer le tissu social. Cette schématisation du mécanisme territorial met en évidence le caractère instable et fluctuant du territoire, puisque celui-ci dépend de l'état de celui qui cherche à le contrôler. Sa délimitation ne peut donc être précise qu'à un moment donné, ce qui contribue à caractériser l'individu et son identité; une identité conçue comme la synthèse de notre territoire affectif, moral, spirituel et physique. De là vient sans doute la confusion métaphorique consistant à lire notre peau comme une carte de géographie. Notre corps aurait-il en lui l'ambiguïté d'un territoire ? Le vieillissement, l'accident ou la maladie le transforment progressivement. Notre peau, sorte de frontière territoriale, flotte et s'infléchit comme sous une pression antagoniste. Ce qui nous est donné à voir oscille entre une sorte de puzzle abstrait, un répertoire géographique, un espace désert et vague non encore constitué en territoires, et des mécanismes anthropomorphiques liés à la délimitation et la détermination de ce que nous sommes. L'île est aussi une métaphore courante de l'individu. Le mythe de Robinson Crusoé est emblématique : Robinson est à la fois prisonnier de son île, et son maître absolu. Il tente d'aménager et d'organiser cet espace vierge et crée ses propres lois d'existence. Les parcelles de la Vente de Territoire Par Correspondance sont comme des îles dont l'assemblage forme le corps. L'île-parcelle est une pièce de puzzle qui se rattache aux pièces voisines pour former un pavage ou une structure qui peut se révéler étonnante. La mue renvoie à la frontière physique entre ce qui est à l'intérieur de notre corps et ce qui est à l'extérieur. La mue est une preuve de la complexité de la délimitation, et par extension de la définition de notre être, puisque l'on peut se défaire de sa peau comme d'un habit pour en recréer une nouvelle et parvenir à un nouvel aspect. Notre peau est un lieu privilégié d'émergence de toutes sortes de maladies, qui forment des îles et des territoires à la surface de notre corps. |
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