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Quel est le statut de la photographie dans le travail dOlivier Goulet ? Comment lire ce médium et cet outil en regard des autres matériaux quil manipule et en rapport avec le reste de ses productions ? Spécialiste de limage numérique par sa profession alimentaire, il a toujours eu le goût pour la retouche et la trituration de limage sur ordinateur. Bien que producteur dimages, il ne se revendique pas comme photographe. Il utilise lappareil photo numérique comme outil de saisie et de collecte du réel. Une fois prises, ses images sont référencées, répertoriées et digérées par son ordinateur. Elles deviennent réversibles, réagençables, fusionnables. Pour Olivier Goulet, les images extraites du réel ne font sens quune fois réappropriées, reconstruites et surtout validées pour devenir des " images clés ", toujours polysémiques quil recrache sur le net, sur papier ou sur la télé. La photo devient image, outil relationnel, moyen de communiquer, de provoquer pour pousser à la réaction, à lidentification et parfois à ladmiration. Pour lui, la prise de vue photographique est dabord le moyen de conserver des " images traces " du quotidien, elle lui sert de support pour fixer ses impressions, figer des moments, des espaces qui prennent aussitôt leur autonomie par rapport à une réalité perpétuellement mouvante. Comme avec le plâtre quil utilise pour prendre (saisir) lempreinte de visages (qui deviendront masques et TCH), il cherche à fixer lapparence des choses, lempreinte de la réalité, pour la conserver, la relire, la reformuler et la transformer. Lappareil photo numérique est son il enregistreur pour saisir le réel et pouvoir le revisiter ailleurs et plus tard. Ce sont autant de fragments qui une fois réactivés, fondent les souvenirs. Il pousse la logique de la photo de famille quil généralise à tout ce qui lapproche, et se constitue une véritable base de données visuelle qui, pense-t-il, " nourrit sa mémoire ".
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Boîte
d'insectes antropomorphes n°2, 1998
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Mues
B, 1995
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Mutation E, 1996 |
Bras droit de Gilles Virget, 1998 |
La série Domestique est un bon exemple de ce travail de collecte et de sauvegarde de notre quotidien. Reprenant le principe de la base de données et du répertoire dimages darchives personnelles, cette série se présente sous la forme de planches dimages, qui répertorient les " résidus " collectés quotidiennement sur le territoire dun individu lambda. Elle se décline en Massacre domestique, Contemplation domestique, Confidents domestiques, Bijoux domestiques, Mue domestique, Légumes domestiques, Squelette domestique mais elle peut se développer à linfini, en phase avec lactivité humaine. Ce travail est à mettre en lien avec la Relique de lhomme bionique : Ces images symbolisent la mémoire dun individu, elles sont le support-archives et la base de sa personnalité qui, une fois bionisée est consultable à tout moment. Les images quil réalise ne sont pas produites au hasard, mais elles ne relèvent pas non plus nécessairement dune intention préconçue. Il a photographié par exemple les souris prises au piège dans les tapettes de sa maison. Ces images ont été par la suite la matière première de plusieurs projets : livret Bye-Bye, série de planches images : Massacre domestique, ou encore Téléchargement de souris bioniques. Dautres images sy rapportent directement comme Taupe sinistrée de la vie et sac à os n°3. Les objets quil fabrique sont photographiés pour donner lieu à de nouvelles pièces qui déplacent et développent sa thématique. Ses " mues dhommes " en latex deviennent des séries photographiques, des Boîtes dinsectes anthropomorphes, ou encore une collection de spécimens dune espèce en voie de disparition. Lorsquil numérise intégralement le corps dun individu, cest pour concevoir un portrait fragmenté et " problématique " du modèle. La performance du scan est le point de départ pour construire une image de synthèse dont le sens varie suivant quelle est montrée sur internet ou en version photographique. Dans la VTPC, le corps est complètement fragmenté, alors que dans les Portraits de Gilles Virget la réunion des parcelles forme comme un archipel qui donne une pseudo cohérence corporelle malgré la fragmentation. Dans le premier cas, laccent est mis sur le répertoire, chaque parcelle étant considérée pour elle-même, dans lautre, cest le lien entre les parcelles, sur le mode du puzzle, qui crée la vraisemblance du portrait. La Femme serpent reprend la problématique : un nu féminin, en voie de fragmentation, est divisé en parcelles numérotées qui prennent lallure décailles de serpent, ou dune maladie de peau. Le thème de lOlympia est revisité, mais à y regarder de plus près, labord sensuel de limage est contrarié par lencre mauve qui rappelle les tampons de bouchers. La femme devient objet, son corps est présenté comme une pièce de viande, prête au découpage. À y regarder dencore plus près on se rend compte que les lignes délimitent les cheveux et débordent dans le fond. Cest donc finalement limage qui est fragmentée comme pour nous dire labstraction de toute représentation. Le mouvement du regardeur va dune vision éloignée et globale de la femme à une vision rapprochée et fragmentaire de limage. |
La
muse de la chasse, 1998
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Contemplation
domestique , 1998
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La
femme serpent, 1998
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Taupe
sinistrée de la vie
et Sac à Os n° 3, 2000 |
Les pièces dOlivier Goulet ne cessent de se répondre et de se prolonger lune lautre. De la jeune femme serpent, on passe à la Muse de la chasse, vieille odalisque déformée par les années, qui pose lhomme comme chasseur tout autant que comme proie qui subit le temps qui passe et dissout notre corps dans une mort certaine. Le thème de la vanité refait à nouveau surface. O. G. complète sa collecte dobjets du réel, par des séances de prise de vue avec un ou plusieurs modèles. Il accueille à son atelier ceux qui sont tentés dentrer dans cette aventure qui résonne " à la fois comme une épreuve et comme une ouverture ". Quil sagisse dexpérimenter le port du SkinBag ou de se faire " trophéiser ", il sagit avant tout de vivre des moments avec des personnes. La photographie devient vecteur relationnel, le moyen daccéder à lautre et voir où se situent les bornes de son intimité. Est-ce une manière de mieux connaître quelquun ? Les " portraits " que fait Olivier Goulet ne sont pas des photos didentités désincarnées, ni des photos de familles, mais des photos dindividus qui parlent de tous les autres individus. A latelier, le modèle est livré à lui-même, et se donne à voir. Les directives dOG sont minimes, le modèle a carte blanche et cela ne manque pas de le gêner. Les questions se bousculent pour celui qui est soumis à lobjectif : pourquoi suis-je là ? que puis-je ou dois-je donner à voir de moi ? et pourquoi ? Malaise et inquiétude se produisent au sujet de ce que nous renvoyons de nous-mêmes. Lélaboration des images se fait à deux et symbolise la rencontre, la collaboration, la " fusion " ponctuelle entre individus. Le port de SkinBag exacerbe tout particulièrement ce sentiment ambivalent entre attirance et répulsion. Il ne reste plus quà faire de ces photographies un support de communication et de médiatisation du vivant. |
Toutes les images présentées sur cette page sont disponibles en haute définition sur demande @
Ces visuels sont libres
de droit, exclusivement dans le cadre d'articles présentant le travail
d'Olivier Goulet.
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